La mobilité lourde est l’avenir de l’hydrogène. Transport maritime, aérien et poids lourds, c’est dans ces secteurs que l’hydrogène devrait pleinement se développer. C’est ainsi que le groupe Emerson participe au projet Ready4H2 qui vise à développer des applications à 700 bars pour des poids lourds. « En moins de dix minutes, il faudra faire le plein de 100 kg d’hydrogène, résume Pierre-Yves Binetruy, spécialiste hydrogène chez Emerson France. Ce qui suppose de dimensionner des produits qui n’existent pas sur la planète. » Tous les composants de la chaîne de distribution sont concernés (groupes froids, régulateurs de pression, vannes, débitmètres, joints, etc.) et résister à un grand nombre de cycles. Il s’agit également de chercher d’autres matériaux que l’inox. « Nous allons participer à la rédaction de normes de remplissage, qui n’existent pas pour les poids lourds, au travers de tests que nous mettrons en place avec un consortium de dix industriels », explique Pierre-Yves Binetruy.
« Si l’hydrogène transcende la mécanique et la pousse à dépasser ses limites, la réciproque est vraie »
L’exemple de la mobilité lourde montre combien sur de nombreux points du développement de la chaîne de valeur qui est en train de se mettre en place, la mécanique doit souvent dépasser ses limites. Ce que Didier Fribourg, pilote du programme stratégique hydrogène du Cetim résume par : « Si l’hydrogène transcende la mécanique et la pousse à dépasser ses limites, la réciproque est vraie car la mécanique sera partout présente pour assurer le développement de l’hydrogène qui ne pourra se faire sans elle. »
Sans vannes, soupape, compresseurs, circulateurs, filtres, pas de production d’hydrogène. Sans chaudronnerie et le savoir-faire associé, pas de stockage ni de sécurité. Sans maîtrise de la chaîne de sous-traitance (travail de métaux, usinage, traitement de surface, etc.) pas de production, ni d’utilisation sous forme de pile à combustible. Sans adaptation des engins pas de débouchés.
Une feuille de route pluriannuelle qui fixe les efforts de recherche.
« L’hydrogène n’est pas un sujet nouveau mais ne concerne que des usages industriels restreints ou de niche tels que l’aérospatiale, rappelle Didier Fribourg. Les principaux enjeux sont ceux liés à une industrialisation et une production grande échelle, une massification en sécurité, avec de nouveaux acteurs et à un prix qui permettra le développement de la filière. De nouveaux acteurs émergent. En ce sens la filière n’est pas encore complètement mature. »
Dans le cadre de son projet stratégique HyMeet, dédié à l’hydrogène, le Cetim a dressé une feuille de route pluriannuelle qui fixe les efforts de recherche. « L’ensemble de ces travaux doit permettre d’apporter des réponses pour le développement de produits adaptés à l’élargissement des gammes de températures et de pression, de durabilité et d’adaptation de matériels existant à des environnements beaucoup plus sévères, reprend Didier Fribourg. Les enjeux portent sur le choix de matériaux raisonnés, de maîtrise de l’étanchéité, de performance des systèmes. » En 2023, une centaine de personnes est mobilisée autour de cinq thèses, dix projets collaboratifs et quatre sectoriels.
99 instances européennes et internationales sont responsables des questions de normalisation
L’effervescence des projets pour mettre en place la filière se retrouve au niveau normatif, au point qu’il devient difficile de s’y retrouver. Selon une cartographie publiée début 2023 par European Clean Hydrogen Alliance, 99 comités européens et internationaux sont responsables des questions de normalisation de l’hydrogène tout au long de la chaîne de valeur depuis la production jusqu’à la consommation. Principal défi selon Juliette Buland, pilote d’activité hydrogène à l’UNM : « la cohérence des normes entre elles sur le plan technique mais aussi politique. Il faut veiller à la cohérence des instances ISO et CEN entre elles pour s’assurer que les exigences soient compatibles sur toute la chaîne ».
Les principales normes à faire évoluer concernent la sécurité et l’opérabilité qui garantiront la cohérence de la chaîne globale et faciliteront les usages, mais aussi la sélection raisonnée des matériaux et leur caractérisation, et les protocoles de validation et de caractérisation des performances des équipements mécaniques face aux nouveaux usages.
Au total, 25 des 115 Commissions UNM sont concernées. Pour Didier Fribourg, « les industriels mécaniciens, en particulier les PME, disposent d’un réseau de commissions de normalisation de leurs produits dans lesquels ils doivent s’impliquer pour pouvoir offrir le maximum de valeur ajoutée à la chaîne en développement tout en correspondant à leur savoir-faire. »