Interview de Jean-Christophe Blaise, Responsable du Laboratoire relatif à la Sécurité des Equipements de Travail et des Automatismes à l’INRS.
1. Selon vous, quels sont les principaux défis liés au nouveau règlement machines ?
Pour l’INRS, ils se situent dans la prévention des risques professionnels. Le nouveau règlement est de fait un référentiel important pour contribuer à la prévention. Je pense plus particulièrement aux nouvelles exigences qui viennent compléter ou renforcer les exigences déjà présentes dans la directive actuelle notamment sur l’intelligence artificielle, mais aussi la cybersécurité. Le règlement donne des objectifs et ceux-ci doivent désormais être déclinés dans les normes en « solutions » techniques. Et le principal défi à ce jour pour la normalisation et pour la prévention se situe au niveau de l’intelligence artificielle et également de la robotique mobile. En effet, ces domaines de l’intelligence artificielle et de la robotique mobile ne reposent pas encore sur des technologies pleinement matures et maîtrisées, avec des référentiels normatifs en cours de révision et un paysage de l’IA en construction progressive ; bien que le nouveau règlement machines prenne en compte ces technologies émergentes et pose clairement ces problématiques, contrairement à la précédente directive, il reste un travail considérable à accomplir pour identifier des solutions normatives robustes.
2. L’INRS a toujours été très impliquée en normalisation machine. Pouvez-vous nous indiquer les sujets phares du moment et l’intérêt pour l’INRS d’être présent dans ces instances ?
Effectivement, l’INRS est très impliqué en normalisation, d’ailleurs dans tous les domaines qui touchent à la santé et à la sécurité ; c’est près de 50 experts qui sont engagés dans différents comités. Concernant plus particulièrement le domaine des machines nous sommes présents dans les comités en charge des normes de type C (les normes de sécurité des machines qui traitent des exigences de sécurité détaillées pour une machine ou un groupe de machines particulier) et également dans le comité en charge des normes transversales et plus particulièrement l’ISO 12100 Sécurité des machines – Principes généraux de conception – Appréciation du risque et réduction du risque actuellement en révision. Celle-ci spécifie la terminologie de base, les principes et une méthodologie en vue d’assurer la sécurité dans la conception des machines. Les sujets phares du moment sont cette révision bien sûr mais également l’ISO 11161 sur les systèmes intégrés de production, une nouvelle norme en projet ISO 12895 sur la prévention de l’accès du corps entier et également l’ISO 3691-4 concernant les chariots de manutention sans conducteur et j’en oublie certainement ! On peut parler de normes phares, car ce sont tous des sujets d’actualité qui rentrent en révision et qui concernent beaucoup d’entreprises. D’autant plus que certaines technologies commencent à se déployer et les normes ne sont pas assez robustes pour prendre en compte toutes ces nouveautés.
L’intérêt reste le même pour toutes nos participations : faire entendre la voix du préventeur. L’intégration de la prévention dès la conception est primordiale, les normes de conception doivent donc intégrer les mesures de prévention les plus pertinentes.
3. Vous avez très fortement contribué à la rédaction des deux guides « Cybersécurité » et « IA » pour les machines, diffusés par l’UNM. Quel impact est attendu ?
Dans le cadre de nos études, nous acquérons de la connaissance. Ces deux sujets ont fait et font encore l’objet de travaux. Nous pouvons toutefois d’ores et déjà valoriser nos résultats, les guides UNM ont été une très belle opportunité. Comme il est mentionné dans ces guides, les connaissances sur ces sujets sont encore à améliorer, à préciser, mais ces guides fournissent déjà une première source d’informations qu’il est utile de communiquer en normalisation pour les experts en charge de la rédaction des normes, mais également au-delà pour sensibiliser toutes les parties prenantes sur ces enjeux. L’objectif de cette démarche était ainsi de défricher des sujets complexes tels que la cybersécurité et l’intelligence artificielle pour les rendre plus accessibles, ces guides constituant une première approche destinée à interpeller les personnes concernées et à démystifier ces technologies en les remettant à leur juste valeur par une présentation claire de leurs limites, de leurs possibilités et des préconisations associées, avec l’impact attendu de permettre aux experts de confronter leurs connaissances respectives pour une appropriation collective de ces guides et une sensibilisation élargie, bien que toutes les réponses ne soient pas encore établies.
4. Quelles sont les autres actions mises en place par l’INRS sur ces sujets ?
Concernant la cybersécurité nous poursuivons nos travaux visant à rapprocher les analyses de risques sécurité des machines et cybersécurité : l’enjeu est finalement principalement de faire parler des domaines qui se méconnaissent. Concernant l’IA, nos travaux ont montré l’impossibilité, à ce jour, de valider cette technique pour assurer une fonction de sécurité, mais nous restons en lien avec l’ensemble des acteurs (et ils sont nombreux !) pour suivre les avancées techniques et méthodologiques.
Acquérir des expériences pour mettre à disposition des démarches de prévention, des méthodes que nous essayons de publier de façon à les faire valider par les paires.
Nous avons également lancé une campagne de sensibilisation avec la création du site www.securite-machine.fr pour rappeler les fondamentaux de la sécurité des machines.
5. Comment le nouveau site internet www.securite-machine.fr s’inscrit-il dans la stratégie globale de l’INRS en matière de prévention des risques liés aux machines ? Quel est son objectif principal ?
Comme pour la normalisation, il n’y a pas que les « nouveaux » sujets qui méritent d’être traités. De façon générale il faut rester vigilant et continuer à promouvoir la prévention des « anciens » risques professionnels. D’autant que pour certains acteurs, et je pense plus particulièrement au TPE (très petites entreprises), ces risques restent sinon méconnus en tout cas plus ou moins bien pris en considération. Le nouveau site que vous mentionnez s’inscrit dans une stratégie de communication et de sensibilisation auprès de cette cible en rappelant dans un premier temps les fondamentaux de la prévention concernant l’utilisation des machines pour que dans un second temps, une fois sensibilisées, ces entreprises montent en compétences et s’approprient l’ensemble des informations disponibles sur le site « classique » de l’INRS.