Le contexte pour les industries mécaniques
« L’innovation est au cœur du Contrat d’Objectifs et de Performance du CETIM », déclare Didier Fribourg, Directeur Scientifique et Technique du CETIM. Contexte innovatif pour les industries mécaniques françaises, rôle des normes dans la lutte contre le changement climatique, fabrication additive : retour sur les tables rondes du comité d’orientation de l’UNM.
Accompagner la montée en gamme et accroître la compétitivité du secteur mécanicien passe par deux axes :
- renforcer la maîtrise des fondamentaux (matériaux, excellence en conception, hybridation technologique, excellence opérationnelle,…),
- assimiler les potentiels issus de la révolution numérique et digitale (simulation, modélisation, exploitation des données, procédés innovants, connectivité,…).
Pour ce faire, le CETIM a défini quatre projets stratégiques en phase avec les technologies prioritaires en mécanique :
- hydrogène,
- e-mobility,
- économie circulaire,
- décarbonation et transition numérique.
Ces projets stratégiques sont complétés par un portefeuille d’une trentaine de projets applicatifs dits Projets Thématiques Transversaux (PTT) et Projets Stratégiques Sectoriels (PSS). Quelque 900 industriels y participent.
La normalisation comme levier de compétitivité
Le Conseil Scientifique et Technique du CETIM a confirmé en juin 2022 l’importance de la normalisation comme enjeu de compétitivité et a décidé de :
- Favoriser l’identification de travaux collectifs porteurs de développements normatifs d’intérêt pour les mécaniciens
- Transformer les résultats des Actions Collectives en document normatif.
- Développer les actions de sensibilisation et d’information sur l’importance de la normalisation et l’intérêt pour les industriels d’y participer.
Comment faire le lien entre normalisation et innovation ?
Pour évaluer le degré de maturité atteint par une technologie innovante et sa proximité avec le marché, l’échelle TRL (en anglais technology readiness level) est utilisée. Le guide CEN 39 « Rôle des normes en support du transfert de technologies » se base sur cette échelle en présentant les étapes d’innovation. Il établit un parallèle avec la normalisation depuis les premières phases de développement des connaissances jusqu’au développement commercial d’un nouveau produit :
Comment faire le lien entre normalisation et innovation vis-à-vis du changement climatique ?
Une première table ronde intitulée « le changement climatique a besoin de normes » a rassemblé :
- Cédric Herry, Directeur Général Adjoint de la société ERLAB,
- Patrick Heuillet, Directeur R et D d’ELANOVA Lab, le nouveau nom du LRCCP (laboratoire du caoutchouc),
- Arthur Vandenberghe, Responsable Environnement à la Fédération des Industries Mécaniques (FIM)
Quelles opportunités pour le changement climatique ?
Pour la première étape qui consiste à définir la sémantique et fixer les concepts, on constate un bouillonnement réglementaire et normatif sur l’économie circulaire. Les concepts de «remanufacturing », « reuse », « recover », « retrofit », « repair » nécessitent d’être clairement positionnés les uns par rapport aux autres : à quelle réglementation un produit de la mécanique refabriqué doit-il répondre, celle en vigueur au moment de sa première mise sur le marché ou celle en vigueur au moment de sa refabrication ?
Les conséquences de la réponse à cette question sont très importantes sur le marché. Dans le domaine des caoutchoucs, cette vision globale des besoins normatifs est nécessaire et des actions conjointes sont menées depuis un an entre ELANOVA LAB et l’UNM pour disposer du panorama des normes existantes. Un travail est également en cours pour identifier les études, notamment les essais menés par ELANOVA LAB, pouvant servir de base à la normalisation.
En continuant le processus d’innovation, il est nécessaire de disposer de normes d’interfaces. Pour ERLAB, Ce sujet revêt une importance stratégique. Cédric Herry a pris la présidence du comité ISO sur la conception des laboratoires pour que l’efficacité énergétique du laboratoire soit appréhendée dans son ensemble. Une étude sur le campus du MIT a montré que la majeure partie de l’énergie utilisée sur le campus est issue des laboratoires. En optimisant le fonctionnement de tous les équipements du laboratoire entre eux, des gains énergétiques très importants sont à prévoir. Or, les normes en vigueur ne fournissent que les caractéristiques des équipements séparément.
Pour les TRL plus avancés, il est nécessaire de disposer de normes de performance de produits. Des méthodologies sont en cours de mise au point pour décrire l’analyse du cycle de vie (ACV) de produits. Cette analyse établit un état initial du produit à partir duquel des améliorations pourront être réalisées, s’inscrivant dans une démarche d’innovation. Le cadre réglementaire qui se dessine s’appuie sur l’ACV mais les méthodes existantes sont complexes et l’UNM 01, « Mécanique – Environnement et responsabilité sociétale » présidée par Arthur Vandenberghe, travaille sur la base d’études CETIM pour faciliter le déploiment pour les entreprises de la mécanique. Dans le domaine du caoutchouc, Patrick Heuillet indique que les normes de performance de produits passent par la caractérisation des semi-produits issus des opérations de recyclage des déchets : micronisés, régénérés, etc.
Fabrication additive – de la création de la commission UNM 920 en 2010 à la mise au point de 50 normes : comment la normalisation accompagne cette innovation au quotidien ?
Cette seconde table ronde a rassemblé :
- Eric BAUSTERT, président de la commission UNM 920 depuis sa création en 2010, directeur de l’innovation de la société VOLUM-e,
- Benoit VERQUIN, animateur de l’ISO/TC 261/WG 3 (coordination stratégique internationale sur les méthodes d’essai), Expert Fabrication Additive au CETIM ,
- Lionel Ridosz, animateur de l’ISO/TC 261/JG 69, groupe international joint ISO-ASTM sur la sécurité en fabrication additive, Additive Manufacturing Director chez SAFRAN.
La commission de normalisation UNM 920 « Fabrication additive » est née en 2010 du besoin de donner confiance en cette nouvelle technologie et ainsi, permettre son développement industriel. Toute innovation peut rendre un client dubitatif et le fait de disposer de normes rassure le marché.
L’un des premier challenge a consisté à se comprendre et fixer une terminologie commune (TRL 1 à 3). La première norme française de vocabulaire paraissait en octobre 2011, soit un an après les toutes premières discussions. De là, des normes ont été écrites sur l’achat de pièces, la caractérisation des poudres et les méthodes d’essai, toutes basées sur la connaissance de normes d’autres domaines. Puis, l’ISO/TC 261 a établi sa stratégie et a construit la cartographie des normes nécessaires.
Deuxième étape du processus d’innovation : les essais. Pour certifier une pièce pour l’aéronautique, il faut préalablement qualifier le couple matériau/procédé. Cette démarche de qualification requiert la génération d’un nombre important de données, principalement par tests d’éprouvettes. Ces données seront plus facilement partagées si l’on dispose de méthodologies harmonisées pour les obtenir.
Les matériaux doivent également être normalisés. Les données existantes sur les matériaux sont disparates et ne sont pas mutualisées : chaque utilisateur garde ses propres données. La normalisation cherche à collecter et rassembler les différentes initiatives, que ce soit en France, aux États-Unis, en Chine, pour les différents secteurs d’activité ou par application.
Toute innovation s’accompagne de questions de sécurité. En 2017, constatant des lacunes sur les aspects HSE, l’UNM 920 a développé une norme française sur le sujet dédié aux matériaux métalliques. Cette norme a été portée au niveau international et a reçu une mobilisation importante des industriels pour en faire une norme ISO/ASTM. Cela traduit la maturation de la technologie. Aujourd’hui, une norme NF EN ISO/ASTM (52931) basée sur la norme française est en cours de finalisation et devrait être disponible début 2023.
Si 27 normes sont déjà publiées, l’histoire se poursuit avec 52 projets au programme de travail : caractérisation des poudres métalliques, étalabilité, contrôle non destructif (CND) et demain sécurisation des données et blockchain. Ce secteur dynamique s’appuie pleinement sur les normes pour assurer son déploiement.