Le pilotage des normes soudage sous pavillon français

Le pilotage des normes soudage sous pavillon français

le : 10/06/2024

En début d’année, la France a pris le secrétariat du CEN/TC 121 Soudage et techniques connexes, abandonné par l’Allemagne. Une décision motivée par l’implication des acteurs français, très présents.

« Ce comité technique était géré par l’Allemagne jusqu’à la fin de l’année dernière », expose Catherine Lubineau, directrice technique de l’Union de normalisation de la mécanique (UNM). «La France et l’Allemagne sont les deux principaux pays impliqués. » « La France assure le secrétariat de l’ISO/TC 44 Soudage et techniques connexes, d’un sous-comité et de certains groupes de travail à l’ISO et au CEN, ainsi que du groupe de coordination entre l’ISO/TC 44, le CEN/TC 121 et l’Institut international du soudage (IIW) », illustre Flavie Augier de Crémiers, chef de projet à Afnor Normalisation. Et les acteurs sont là :

Air Liquide, Aperam, CEA, Certigaz, Evolis, GRDF, Intercontrôle, France Chaudronnerie Réseau, Institut du soudage, EDF, Framatome, Naval Group, SNCF…

La décision de l’Allemagne a fourni à la France l’occasion de se positionner. Enjeu principal de la reprise : les aspects liés à la réglementation européenne et les annexes Z. « Nous sommes des utilisateurs assidus des normes et de la directive Équipements sous pression (DESP), et nous avons absolument besoin de documents qui font le lien entre la directive et les normes : les annexes ZA, qui sont à la main du CEN/TC 121 et que l’on retrouve dans les versions européennes des normes ISO », explique Alexandre Papadimopoulos, nouveau président du Cen/TC 121, directeur technique du groupe Altrad Endel. Dans cette entreprise spécialisée dans la maintenance, qui intervient principalement sur les sites industriels de grands donneurs d’ordres, le soudage est une activité quotidienne. « Historiquement, la direction technique a toujours participé à la normalisation », ajoute Alexandre Papadimopoulos, qui anime l’ISO/TC 44/SC 10/WG 12 et est intervenu en tant qu’expert dans différents groupes de travail.

 La directive Équipements sous pression est le principal texte réglementaire qui structure le soudage européen et donne lieu à des demandes de normalisation de la part de la Commission européenne. Sa première version date de 1997, la deuxième, actuellement en vigueur, de 2014. S’y ajoute la directive Récipients à pression simples. De manière plus anecdotique, quelques sujets relèvent de la directive Écoconception, du règlement Produits de construction et du règlement Machines. « Beaucoup de normes viennent en soutien à la réglementation sur les appareils à pression. Un appareil à pression est rarement d’une seule pièce. On a donc besoin de soudure, et l’enjeu de la réalisation de la soudure est fondamental pour respecter les règles de sécurité », souligne Catherine Lubineau.

 Historiquement parlant, le CEN/TC 121 élaborait ses propres normes, puis il a peu à peu été amené à reprendre les normes de l’ISO/TC 44. « Il y a 360 normes dans le domaine du soudage, et 40 sujets sont actuellement au programme du TC 121 », indique Catherine Lubineau. Les enjeux de la normalisation soudage sont connus : « Le premier est la garantie d’un référentiel mondial de normes dans ce domaine visant à se substituer aux normes régionales européennes, américaines et asiatiques, alors que les industriels sont confrontés à l’extension des marchés », relève Catherine Lubineau. « Le deuxième enjeu est que les normes internationales que l’on a rédigées puissent venir en soutien à la réglementation européenne – ce qui se traduit donc dans les annexes Z. Le troisième est lié à la prise en compte de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux et de nouveaux modes de conception. »

 Le CEN/TC 121 a donc pour vocation d’établir un lien propre avec la réglementation européenne et de vérifier que les bonnes normes ISO sont reprises, d’où un important travail de suivi administratif, puis de s’assurer que les normes sont bien référencées au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) en lien avec ces règlements.

 Le sujet est stratégique : « Nous avons véritablement besoin de ces annexes Z, qui permettent d’apporter une présomption de conformité à la réglementation par l’utilisation des normes », insiste Alexandre Papadimopoulos. Or, la rédaction des annexes Z s’enlise depuis quelques années. Pire, des incohérences se glissent dans les textes. « Si on veut que les annexes sortent comme il faut qu’elles sortent, cela impose de s’engager pour y travailler », commente-t-il. Actuellement, la norme NF EN ISO 15614-1 ne donne pas présomption de conformité à la DESP.

 Le TC travaille en liaison avec plusieurs comités. Les liaisons concernent à la fois des TC qui traitent de technologies (fabrication additive), de produits finis qui vont intégrer du soudage (robinets, récipients), de matériaux de base utilisés pour faire le soudage, et des essais (non destructifs, mécaniques). Le travail entre le TC international et le TC européen est mené sous accord de Vienne. Un troisième intervenant est de la partie : l’Institut international de la soudure (IIW). « L’IIW a toujours élaboré des textes techniques “prénormatifs” transformés en normes internationales par l’Iso, indique Catherine Lubineau. Le groupe de coordination ISO CEN IIW se réunit à intervalles réguliers pour éviter les doublons ; les échanges permettent de rationaliser l’expertise. »

 En France aussi, un centre technique est impliqué dans les travaux normatifs, les essais et le développement des technologies : « Afnor, l’UNM et l’Institut de soudure constituent le triptyque qui pilote la normalisation française du soudage », déclare Flavie Augier de Crémiers. « On peut être amené à s’appuyer sur les travaux réalisés par l’Institut de soudure et le Centre technique des industries mécaniques (Cetim), les savoirs acquis pendant les travaux de développement et de recherche, souligne Alexandre Papadimopoulos. En face de nous, certains pays ont une force de frappe assez importante, comme les États-Unis, qui bénéficient des travaux de l’American Society of Mechanical Engineers (ASME). De plus, les États-Unis ont le secrétariat des normes qui représentent le plus gros volume pour les industriels : NF EN ISO 15614-1 et NF EN ISO 9606-1. »

Deux normes fondamentales se distinguent effectivement dans le domaine du soudage : NF EN ISO 15614-1 sur la qualification des modes opératoires de soudage et NF EN ISO 9606-1 sur la qualification des soudeurs (cf. encadré ci-dessous). « On qualifie le process, définit des modes opératoires, une procédure à respecter ; et on qualifie les personnes qui respectent cette procédure. L’ensemble – personne qualifiée qui applique la procédure – amène au fait que la soudure est correcte. On qualifie une façon de faire plutôt qu’un résultat », décrit Catherine Lubineau. « Ces normes phares sont régulièrement en révision, précise Flavie Augier de Crémiers. La qualification du personnel demande en permanence une réadaptation. » « La première version de la norme ISO 15614-1 date de 2004 ; elle a été amendée en 2008, puis en 2012, révisée en 2017, amendée en 2019, et elle est encore en cours de révision », illustre Alexandre Papadimopoulos. Ces normes très utilisées soulèvent fréquemment des questions et des demandes d’interprétation pour clarifier leur bonne compréhension. Tout un process a été mis en place face aux demandes récurrentes : un site dédié  permet de publier les interprétations actées de manière officielle, qui peuvent ensuite être intégrées aux textes normatifs.

Article rédigé par Marie-Claire BARTHET – Source : Magazine ENJEUX (édité par AFNOR)

Crédit photo : Broadway – AdobeStock

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