Au-delà de son rôle de validation du programme pour les trois années à venir, le Comité d’Orientation de l’UNM dégage, autour d’un thème transverse, des axes de réflexion pour la normalisation mécanique, acier et caoutchouc. Le 1er décembre 2020, sous la présidence de Carole Gratzmuller, plus de 80 participants se sont connectés à la réunion virtuelle pour comprendre comment sont intégrés dans les normes, sur la base de témoignages déclinés selon trois axes choisis par les participants : performance énergétique, économie circulaire et hydrogène. En préambule, Pascal Souquet (Cetim) a présenté les technologies prioritaires en mécanique (TPM) 2025 (voir encadré).
Performance énergétique : les enjeux se recoupent
« Pour les équipements de ventilation, norme et réglementation sont complémentaires » affirment Laure Mouradian (Cetiat) et Xavier Boulanger (Aldes): d’un côté, la Directive EPBD (EPBD : Energy Performance Building Directive) s’appuie sur des normes de calcul, de conception, de dimensionnement et d’inspection ; de l’autre, la Directive Ecodesign nécessite des normes d’essai de performance des produits. Par exemple, le règlement fixe les principes de prise d’air extérieur, les normes fournissent les abaques précis.
Michèle Mondot (Cetiat) et Alain Compingt (Lennox Emea) avancent que la réglementation et les normes existantes applicables aux appareils de chauffage à air et de refroidissement s’appliquent mal aux « rooftops ». Le risque à terme était d’exclure ces produits du marché. Ils ont donc entrepris de développer une norme dédiée aux rooftops conduisant à l’affichage d’une efficacité énergétique réellement plus élevée que celle affichée selon la norme en vigueur. Cette proactivité a pour effet un projet de révision de la réglementation sur la base des exigences de cette nouvelle norme. Une initiative prisée par la Commission européenne pour que la réglementation s’adapte au mieux au marché.
Dans le domaine des transmissions pneumatiques, une méthodologie s’intéressant au système complet a été mise au point en France et présentée en normalisation internationale. Olivier Cloarec (ARTEMA) relate qu’appliquée à des circuits d’air comprimé, l’efficacité a été améliorée de 67,5 %. Il faut maintenant que l’ISO accepte de travailler sur le sujet.
Economie circulaire : coopération et déploiement
En premier lieu, France de Baillenx (FIM) présente le contexte réglementaire. En Europe, l’instrument central est la directive Ecodesign et ses règlements d’application par produits. En France, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020 contient déjà des dispositions sur l’indice de réparabilité, la présence de substances dangereuses et de perturbateurs endocriniens (listes françaises) et l’obligation d’informer les consommateurs sur les caractéristiques environnementales des produits. Ces réglementations s’appuient sur des normes, (série EN 4555X) qui fixent des méthodes génériques d’évaluation de tous ces concepts pour répondre à la directive Ecodesign. Christophe Garnier (Schneider Electric) souligne la fructueuse coopération avec les mécaniciens sur ces sujets et liste les bénéfices de ces normes pour l’industrie. Intérêt partagé par Robert Dodane (Wilo) : cette série de normes va pouvoir être utilisée au-delà du cadre de la directive et soutenir le déploiement de l’économie circulaire des produits. La question des pièces de rechange commence aussi à se poser, là aussi les normes seront utiles.
Autre sujet : la durée de vie résiduelle (DVR). Bruno Depale (Cetim) présente la méthodologie mise au point pour évaluer l’état d’une structure ou d’un équipement mécanique, comparer les conditions d’exploitation réelle en service à celles de la conception d’origine et estimer la DVR ainsi que les conditions de la poursuite d’exploitation. Un document normatif est en cours de rédaction sur la base de ces travaux et de la série des EN 4555X.
Pour qu’il y ait économie circulaire, après la fin de vie des produits, il est nécessaire de se soucier de la filière de recyclage. Philippe Russo (ArcelorMittal) précise que l’acier se recycle à 92 %. Un référentiel européen, tout comme la norme française NF A 08-821, définit les catégories de ferrailles. Des projets de R&D ont permis de trouver de nouveaux outils visant une préparation plus efficace et qualitative de la ferraille. ArcelorMittal a récemment mis en place des mesures laser de profilés de chargement des ferrailles qui vont permettre de déduire leur masse volumique en vrac.
Des normes ont également déjà été publiées pour quelques produits mécaniques : briquettes de meulure de roulements, engins de travaux publics…
Hydrogène : enjeux et défis
Le panorama des applications, présenté par César Jubert (Air Liquide), illustre bien les nouveaux enjeux : transition énergétique, nouveaux écosystèmes, état (gazeux ou liquide), qualité et sécurité, hautes pressions (300 bars et plus), débits importants, compatibilité des matériaux, environnement réglementaire et normatif.
L’hydrogène a connu des évolutions rapides ces 18 derniers mois avec des plans de financement massifs des Etats en Asie et en Europe. Pierre-Adam Gilardot (Renault) rappelle le besoin de mobilité « 0 émission ». Les défis à relever sont nombreux : abaisser les coûts de la technologie, optimiser les architectures véhicule, prendre en compte l’économie circulaire et le recyclage, assurer l’émergence d’un marché, développer un tissu fournisseurs en France et en Europe, standardiser les infrastructures de recharge.
L’hydrogène nécessite aussi des évolutions quant aux matériaux : Marc Marticou (Ugitech) indique qu’il est nécessaire de garantir l’étanchéité et la tenue à la pression avec des conditions d’usage extrêmes. Les microstructures des aciers doivent résister à la fragilisation.
Des normes américaines répondent déjà à ces défis. Au plan international, le sous-comité ISO/TC 22/SC 41 traitant des carburants gazeux pour véhicules routiers a déjà de nombreuses normes et projets à son actif. Celles du comité ISO/TC 197, spécifiquement dédié aux Technologies de l’hydrogène, couvrent les composants de bornes de rechargement, les caractéristiques des réservoirs et des installations. Pour le suivi réglementaire, le site « HyLAW » fait état des réglementations par pays en Europe. Il existe une norme de mesure de diffusion de H2 dans les matériaux et une réglementation sur les essais fonctionnels. En revanche, il manque des normes sur le comportement des matériaux en rapport à l’hydrogène gazeux.
Carole Gratzmuller, après avoir remercié participants et intervenants, a conclu en rapportant les propos de Thierry Breton du 16 septembre 2020, à l’occasion de la réunion virtuelle sur la normalisation et le pacte vert (Green deal) organisée par le Ministère de l’économie allemand : « Réduire les coûts, diffuser les innovations, faciliter l’interopérabilité et l’accès aux marchés, les normes sont partout » (Voir Lettre UNM n°176 – octobre 2020).
Technologies Prioritaires en Mécanique (TPM)Exercice de prospective technologique mené tous les 5 ans par le Cetim avec l’appui de la FIM, les TPM 2025 sont organisées en 6 briques : conception/simulation, objets connectés/surveillance, numérique, matériaux/surfaces, procédés de fabrication et développement durable. L’industrie du futur est une réalité et le contexte évolue si rapidement qu’il devient nécessaire de s’appuyer sur de nouvelles disciplines scientifiques : sciences cognitives, sciences sociales, sciences de gestion, etc. Le site internet TPM 2025 permet de naviguer sur chacun des thèmes et renvoie vers des fiches détaillées qui précisent les bénéfices, les défis à relever et la maturité. |